L’amertume qui parfumait mon palais ne semblait pas le laisser indifférent. J’entends souvent dire que cette saveur est appréciée des enfants. Pour quelle raison ? Je ne sais pas et cela m’importe peu.
Ce dont je me souviens surtout, c’est l’excitation qui me saisissait lorsque mes lèvres effleuraient cette substance brune mariée à un liquide blanc et opaque. Je devais avoir sept ou huit ans quand j’y aies goûté la première fois. C’était tiède, délicat et exotique. En tout cas, c’était comme cela que je le décrivais.
J’ai tout de suite aimé la texture, le goût, ressentir la fierté de faire comme les grandes personnes. J’accompagnais toujours ce breuvage matinal d’un petit plaisir gustatif : le fameux BN, le nature bien sûr ! Regarder le biscuit fondre et s’émietter dans le récipient chaud avant d’être englouti par une bouche affamée, figurait parmi mes moments préférés de la journée. J’essayais de le faire durer le plus longtemps possible mais toutes les bonnes choses ont une fin.
C’est ce qu’on nous enseigne dès notre plus jeune âge : apprendre à cultiver la patience, à contrôler notre frustration, à choisir, à accepter les décisions prises à notre place.
En grandissant, nous parvenons à appliquer ces leçons, à nos dépens, car nous finissons par oublier d’être spontané, de se satisfaire de petits riens, de rire de n’importe quoi, de s’extasier devant une banalité. Au fond, retrouver son âme d’enfant, c’est se souvenir de ce qu’on a éprouvé à chaque première fois.
Alors, j’ai creusé dans ma mémoire et des images sont venues à moi, naturellement.
Cette première fois-là était simple, anecdotique et pourtant si enivrante et chargée de joie : mon premier bol de café au lait, comment pourrais-je l’oublier ?